Au Cinéma : Dossier 137 de Dominik Moll

Le dossier 137 est en apparence une affaire de plus pour Stéphanie, enquêtrice à l’IGPN, la police des polices. Une manifestation tendue, un jeune homme blessé par un tir de LBD, des circonstances à éclaircir pour établir une responsabilité. Mais un élément inattendu va troubler Stéphanie, pour qui le dossier 137 devient autre chose qu’un simple numéro.

Entretien avec le réalisateur Dominik Moll

Après la PJ dans La Nuit du 12, vous nous plongez avec Dossier 137 dans une enquête de l’IGPN, la police des polices.

Le fonctionnement de l’IGPN m’intrigue depuis longtemps. Précisément parce qu’il s’agit de policiers qui enquêtent sur d’autres policiers. Ils sont mal vus, souvent méprisés et parfois détestés par leurs collègues, tout en étant critiqués par certains médias qui leur reprochent d’être juge et partie. Ces tensions m’intéressaient et intuitivement je sentais qu’il y avait des pistes de fictions intéressantes. Comment gère-t-on le fait d’être pris entre deux feux et de devoir enquêter sur des collègues qui ne cachent pas leur animosité.

Dossier 137 est une véritable réussite par son sujet et l’intelligence par laquelle Dominik Moll film ses personnages, une véritable bombe politique qui donne la parole à ceux et celles victimes de la violence policière, des abus sur des manifestants se remarquent de plus en plus, des corps massacrés en toute impunités sont les preuves d’un malaise psychiatrique au cœur de la police française qui depuis bien longtemps ne contrôle plus ses vrais engagements comme protéger la population et non pas la violenter.

Il existe très peu de films sur l’IGPN, ici, nous assistons à une réalité qui n’épargne personne, un western policier qui n’attire que le mépris de la population. Les téléphones portables sont des armes pacifiques qui ont comme rôle le partage rapide des scènes de violences et le début d’une enquête pour punir les responsables.

Des policiers sont convoqués par IGPN et doivent répondre des accusations de violences sur les manifestants, une fois isolés et désarmés, les attitudes changent, surtout devant une femme bien décidée à faire respecter les règles du métier. Très vite elle se trouve confrontée à la lâcheté légendaire des policiers qui se couvrent entre eux…, le courage ne fait pas partie de leur adn.

Léa Drucker nous enchante par son talent, son génie, son charisme, elle est absolument titanesque dans le rôle de l’enquêtrice IGPN, d’une justesse extraordinaire une alchimie viscérale se crée avec le spectateur qui ne la quitte pas des yeux.

Dominik Moll accorde sa confiance à Léa Druker qui une fois de plus prouve à quel point le cinéma français est généreux et unique par ses cinéastes et ses artistes talentueux et très investis.

Le rythme intense et la profondeur politique du scénario font de cette œuvre, un chemin vers la vérité, également un constat alarmant de l’echec de la justice qui ne protège plus ses victimes, bien au contraire sa fragilité profite aux agresseurs qui sous couvert de l’uniforme se défoule par une barbarie inouïe.

Il n’existe plus aucune limite dans la violence, lentement la France bascule dans un no man’s land terrifiant, ouvrant la porte à la loi du plus fort.

Dossier 137 tire le signal d’alarme, avant qu’il soit trop tard. Un film politique particulièrement remarquable par sa puissance humaine, il place la France face à ses erreurs sociales, qui ont pour résultat le chaos.